« Questions de convenances. On ne s’étonnera pas que l’énoncé seul du mot espace introduise le protocole philosophique. Les philosophes, étant les maîtres de cérémonie de l’univers abstrait, ont indiqué comment l’espace doit se comporter en toute circonstance.
Malheureusement l’espace est resté voyou et il est difficile d’énumérer ce qu’il engendre. Il est discontinu comme on est escroc, au grand désespoir de son philosophe-papa. »
Georges Bataille, Le dictionnaire critique
L’élaboration d’un festival est la somme de multiples aléas, rencontres, joies et déceptions, surprises et coups de chance. Sa physionomie intime, son caractère, ne s’affirment que doucement et, souvent, n’apparaissent clairement qu’une fois l’édition achevée. Alors, écrire un édito de présentation se définit comme périlleux… Pourtant, ce festival Faits d’hiver 2017 possède d’emblée quelques caractéristiques. D’abord, sa tendance au déploiement dans le paysage parisien : architecturé sur 9 lieux de représentation, il assume son souhait de rayonnement. Et plusieurs spectacles font écho à cette thématique spatiale, cette habitation raisonnée et artiste de ce qui nous entoure. Oui, nous le savons, la chorégraphie travaille l’espace, pourtant, ici, certains projets, de manière variée, y sont étroitement associés. Myriam Gourfink et sa belle impressionnante complexité de composition. Sylvain Prunenec s’interrogeant sur le voyage et l’identité, du migrant intérieur à celui qui traverse nos pays. Sarah Crépin et Etienne Cuppens qui construisent une boîte à merveille où l’espace se révèle infini et coloré. Thomas Lebrun, concentrant son discours presque sociologique — enjoué aussi — en une piste de danse exaltante, coquine et brillante telle une robe en strass. Yvann Alexandre habitant de flux et diffractant l’immensité de la Conciergerie…
Une autre approche se dessine, toute aussi puissante, celle de l’interprète, figure essentielle de la danse, parfois négligée, oubliée. Lorsque Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi créent Happy Hour, ils nous confient leurs vies en danse, leurs corps qui durent — aussi douloureusement —, leur complicité inchangée. Ce qui les motive d’être toujours et encore en mouvement. Une sorte de joie irradie. Celle que l’on retrouve dans Initio, opéra chorégraphique avec Christine Gérard et Brigitte Asselineau, danseuses d’exception — il faut le dire ! —, avec Deborah Lary qui ouvre le festival chez Myriam Gourfink et le clôt avec la création de Kirsten Debrock à micadanses. Et que penser de cette quête de Nadia Vadori-Gauthier, qui depuis bientôt deux années danse chaque jour en mémoire et pour la vie, après la terreur de l’attentat de Charlie Hebdo. Ce corps à corps avec la ville, les intempéries, les passants, le ressassement et la danse, expriment également quelque chose de l’état de danseur, passion exigeante.
Un festival, ce sont des femmes et des hommes qui dansent ! Devant des femmes et des hommes qui dansent (peut-être sans le savoir) !
Christophe Martin
Malheureusement l’espace est resté voyou et il est difficile d’énumérer ce qu’il engendre. Il est discontinu comme on est escroc, au grand désespoir de son philosophe-papa. »
Georges Bataille, Le dictionnaire critique
L’élaboration d’un festival est la somme de multiples aléas, rencontres, joies et déceptions, surprises et coups de chance. Sa physionomie intime, son caractère, ne s’affirment que doucement et, souvent, n’apparaissent clairement qu’une fois l’édition achevée. Alors, écrire un édito de présentation se définit comme périlleux… Pourtant, ce festival Faits d’hiver 2017 possède d’emblée quelques caractéristiques. D’abord, sa tendance au déploiement dans le paysage parisien : architecturé sur 9 lieux de représentation, il assume son souhait de rayonnement. Et plusieurs spectacles font écho à cette thématique spatiale, cette habitation raisonnée et artiste de ce qui nous entoure. Oui, nous le savons, la chorégraphie travaille l’espace, pourtant, ici, certains projets, de manière variée, y sont étroitement associés. Myriam Gourfink et sa belle impressionnante complexité de composition. Sylvain Prunenec s’interrogeant sur le voyage et l’identité, du migrant intérieur à celui qui traverse nos pays. Sarah Crépin et Etienne Cuppens qui construisent une boîte à merveille où l’espace se révèle infini et coloré. Thomas Lebrun, concentrant son discours presque sociologique — enjoué aussi — en une piste de danse exaltante, coquine et brillante telle une robe en strass. Yvann Alexandre habitant de flux et diffractant l’immensité de la Conciergerie…
Une autre approche se dessine, toute aussi puissante, celle de l’interprète, figure essentielle de la danse, parfois négligée, oubliée. Lorsque Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi créent Happy Hour, ils nous confient leurs vies en danse, leurs corps qui durent — aussi douloureusement —, leur complicité inchangée. Ce qui les motive d’être toujours et encore en mouvement. Une sorte de joie irradie. Celle que l’on retrouve dans Initio, opéra chorégraphique avec Christine Gérard et Brigitte Asselineau, danseuses d’exception — il faut le dire ! —, avec Deborah Lary qui ouvre le festival chez Myriam Gourfink et le clôt avec la création de Kirsten Debrock à micadanses. Et que penser de cette quête de Nadia Vadori-Gauthier, qui depuis bientôt deux années danse chaque jour en mémoire et pour la vie, après la terreur de l’attentat de Charlie Hebdo. Ce corps à corps avec la ville, les intempéries, les passants, le ressassement et la danse, expriment également quelque chose de l’état de danseur, passion exigeante.
Un festival, ce sont des femmes et des hommes qui dansent ! Devant des femmes et des hommes qui dansent (peut-être sans le savoir) !
Christophe Martin